
« Si la Terre brûle, où irons-nous ? »
Cette question, votre blogueuse se l’est posée il y a quelques années, en réalisant que la crise climatique ne concerne pas uniquement les grandes puissances industrielles. L’ Afrique, elle, est aussi en première ligne.
Le continent subit déjà les effets du changement climatique : sécheresses prolongées, inondations, érosion côtière, et désertification. Ces phénomènes ne font que creuser les inégalités sociales existantes agravant les défis existants et la vulnérabilité de populations avec moins de moyens pour s’adapter.
Comment y remédier et prévenir les risques dommageables pour des milliers, voire des millions d’êtres humains ? Comment protéger au mieux les générations futures?
Conscients des défis existants et de la profondeur à venir de leur incidents, des jeunes africains se lèvent, prennent actions et deviennent les porte-voix de l’urgence climatique.
En Afrique de l’Ouest, un jeune militant incarne parfaitement cette nouvelle génération engagée.
Son nom: Yero Sarr

L’INTERVIEW
Cher Yero! Bienvenue sur InspireAndShine ! En quelques mots qui est Yero Sarr? Pouvez-vous nous partager un pan de votre parcours ?
Je m’appelle Yero Sarr, un jeune Sénégalais passionné par les causes qui touchent à la justice climatique et au développement communautaire. Mon parcours est celui d’un étudiant curieux et engagé : j’ai obtenu un baccalauréat en sciences expérimentales, puis une licence en physique-chimie, sciences de la matière à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Aujourd’hui, je poursuis un master en gestion des ressources en eau et des risques environnementaux à l’Institut National Polytechnique de Yamoussoukro. En parallèle, j’ai toujours été attiré par l’action collective. J’ai rejoint plusieurs organisations de développement communautaire, notamment la Jeune Chambre Internationale (JCI), où j’ai occupé les rôles de vice-président au développement individuel, vice-président exécutif, puis président exécutif de la JCI Universitaire Dakar Espoir en 2024. Je suis aussi impliqué dans Act On Sahel, une initiative qui mobilise les jeunes pour restaurer les écosystèmes sahéliens face au changement climatique. Actuellement, je contribue à un conseil consultatif jeunesse pour l’Afrique de l’Ouest, où je travaille à amplifier la voix des jeunes. Pour moi, chaque cause est une opportunité de construire un avenir plus juste et durable.
Pour vous qu’est ce que l’engagement social? Qu’est-ce qui vous a conduit à devenir un activiste pour le climat ?
L’ engagement social, c’est mettre son cœur au service des autres, se battre pour un monde plus juste, et planter des graines d’espoir là où on en a besoin. Pour moi, c’est crier haut et fort une vérité qui brûle : l’Afrique étouffe sous les vagues de chaleur, les sécheresses, les inondations, et l’érosion qui ronge ses côtes, alors qu’elle n’a presque rien fait pour causer ce chaos climatique. Ce contraste m’a révolté en 2018. Partout sur le continent, des communautés perdent leurs terres, leurs cultures, leur avenir, sans avoir leur mot à dire. Inspiré par des jeunes comme Greta Thunberg, j’ai rejoint Fridays For Future pour agir : planter des arbres, protéger l’eau, aider l’Afrique à s’adapter. Je me suis depuis engager pour la justice climatique, pour que notre continent ne paye plus le prix des autres, et pour bâtir un avenir où on respire librement.
Pouvez-vous nous en dire plus sur « Fridays For Future » et comment est née l’idée de créer l’antenne sénégalaise du mouvement ?
Fridays For Future est un mouvement mondial initié par Greta Thunberg, qui appelle les jeunes à faire grève pour le climat et à interpeller les décideurs sur l’urgence écologique. L’ antenne sénégalaise est née de la volonté de créer un espace où les jeunes du pays pourraient porter leurs revendications et montrer que la crise climatique nous concerne aussi directement. Au départ, nous avons organisé des marches et des campagnes de sensibilisation, mais aujourd’hui, le mouvement au Sénégal est en pause, et beaucoup d’entre nous ont rejoint d’autres réseaux plus adaptés aux réalités locales.
Selon vous, quels sont les plus grands enjeux climatiques auxquels l’Afrique fait face aujourd’hui ?
L’ Afrique est confrontée à trois urgences majeures: l’adaptation aux événements extrêmes (inondations, sécheresses), la lutte contre l’érosion côtière qui menace des millions de personnes, et la sécurisation de l’accès à l’eau face à la raréfaction des ressources. Ces défis sont aggravés par une pression démographique croissante et par le manque de financements climatiques réellement accessibles aux communautés.
Y a-t-il un moment dans votre vie où vous avez douté de l’efficacité de l’activisme climatique ? Qu’est-ce qui vous motive à continuer ce combat malgré les obstacles?
Oui, il y a eu des moments de doute. Par exemple, Faible mobilisation dans nos activités ( marches ) ou lorsque les rapports du GIEC ont confirmé la difficulté, voire l’impossibilité, de maintenir le réchauffement à 1,5°C si nous continuons sur la trajectoire actuelle, ou encore quand les États-Unis se sont temporairement retirés de l’Accord de Paris, j’ai ressenti un profond découragement. Ces signaux envoient l’impression que les engagements politiques internationaux sont fragiles et que les efforts des militants pèsent peu face aux intérêts économiques mondiaux.
Mais l’urgence dans laquelle se trouvent nos communautés, ici en Afrique, ne nous laisse pas le luxe d’abandonner. Les sécheresses, l’érosion côtière, les inondations et la perte de biodiversité sont déjà notre quotidien. Ce combat, je le continue parce que chaque action locale, aussi petite soit-elle, est une pierre ajoutée à l’édifice de la résilience collective.
Quel mythe ou discours “à la mode” sur le climat pensez-vous qu’il faut briser, même si ça risque de déplaire à certains alliés ?
On nous fait croire que le recyclage est la clé pour stopper la pollution plastique, mais c’est une fausse lumière. Seulement 9 % du plastique mondial est recyclé, et en Afrique, c’est moins de 10 % des 17 millions de tonnes de déchets plastiques produits chaque année. Le reste s’entasse dans nos rivières, nos mers, ou part en fumée toxique, asphyxiant un continent qui n’a presque rien fait pour mériter ça. Recycler, c’est une goutte dans l’océan : le plastique se recycle à peine deux ou trois fois, et les usines manquent chez nous. Pire, certaines ONG surfent sur ce mythe, engrangeant des fonds pour des projets qu’elles savent bancals, pendant que nos côtes et nos terres suffoquent. La vraie réponse, c’est d’abolir le plastique inutile (sachets, bouteilles jetables) et de revenir à des solutions comme les fibres végétales ou les emballages qu’on réutilise.
Pouvez-vous partager un projet ou une action concrète menée par Fridays For Future Sénégal dont vous êtes particulièrement fier ?
Je garde un bon souvenir d’une campagne de sensibilisation dans des écoles , des marches climatiques, où nous avons parlé de la pollution plastique et organisé un grand nettoyage de plage avec des jeunes. Même si le mouvement est aujourd’hui en pause, ces moments restent précieux car ils ont semé des graines de conscience chez les participants.

Comment travaillez-vous avec les jeunes pour les sensibiliser à la crise climatique ?
Par des ateliers dans les écoles, des campagnes communautaires comme Set Setal, et des projets concrets de reboisement ou de gestion de l’eau. Depuis la mise en pause de FFF Sénégal, Nous collaborons avec des réseaux africains et internationaux pour renforcer l’éducation climatique et offrir aux jeunes des moyens d’agir dans leur environnement immédiat.
Si Fridays For Future Sénégal avait un budget illimité pour un an, que feriez-vous en priorité ?
Avec un budget illimité, nous investirions dans des projets concrets à grande échelle : Accélérer le reboisement avec des pépinières communautaires, créer des centres de formation sur les énergies renouvelables pour les jeunes, et développer des systèmes d’accès à l’eau potable dans les zones rurales. Nous renforcerions aussi nos campagnes de sensibilisation pour toucher chaque région du Sénégal et collaborer avec d’autres pays africains pour des projets transfrontaliers, comme la restauration des écosystèmes sahéliens via Act On Sahel.
Que faudrait-il changer dans les politiques publiques pour que la lutte contre le changement climatique soit réellement efficace ?
Il faut des politiques qui priorisent les énergies renouvelables et interdisent les nouveaux projets fossiles, tout en renforçant la transparence dans leur gestion. Les gouvernements doivent investir dans l’adaptation climatique, comme des infrastructures résilientes face aux inondations ou à l’érosion côtière. Il est aussi crucial d’intégrer les communautés locales dans les décisions, car elles subissent directement les impacts. Enfin, les politiques doivent soutenir l’éducation environnementale pour mobiliser les citoyens dès le plus jeune âge.
Comment imaginez-vous le rôle de l’Afrique dans la lutte mondiale contre le changement climatique dans les 20 prochaines années ?
L’Afrique peut devenir un leader dans les solutions climatiques en misant sur ses atouts : un potentiel énorme en énergies renouvelables, une jeunesse dynamique et des savoirs traditionnels. Dans 20 ans, je vois une Afrique qui innove avec des technologies vertes, qui protège ses écosystèmes et qui porte une voix forte dans les négociations climatiques mondiales pour exiger une justice climatique. Mais cela nécessitera des investissements massifs dans l’éducation, la recherche et les infrastructures durables.
Notre vision est de mobiliser la jeunesse africaine pour faire de la justice climatique une priorité continentale. La stratégie repose sur trois axes : sensibiliser localement pour ancrer l’écologie dans les cultures africaines, renforcer les actions concrètes comme le reboisement ou la gestion de l’eau, et créer des alliances panafricaines pour amplifier notre impact. Nous voulons aussi que les jeunes africains soient mieux représentés dans les espaces mondiaux comme la COP.
Fridays For Future a-t-il une vision ou une stratégie spécifique pour l’avenir du mouvement en Afrique?
Oui bien évidemment, FFF à déjà lancé les bases avec une centralisation avec Fridays For Future Afrique mais Si le mouvement veut s’ancrer durablement sur le continent, il devra dépasser le format des marches pour intégrer davantage d’actions de terrain, d’éducation et de plaidoyer régional.

Quelles alliances régionales ou panafricaines seraient, selon vous, essentielles pour accélérer l’action climatique sur le continent?
Des alliances comme l’Alliance populaire Sénégal-Allemagne pour la justice climatique, que nous avons lancée avec Fridays For Future Germany, sont cruciales pour unir les efforts entre continents. En Afrique, collaborer avec des initiatives comme Act On Sahel ou Young Afro Climate Warriors permet de partager des solutions adaptées au Sahel. Des partenariats avec des organisations comme Afrika Vuka ou l’Union africaine pour des projets régionaux sur l’eau, les énergies renouvelables ou la restauration des terres seraient aussi essentiels.
Y a-t-il des personnalités ou mouvements en Afrique qui vous inspirent particulièrement ?
Je suis inspiré par des activistes comme Vanessa Nakate, Adenike Oladosu au Nigeria ainsi que d’autres militants Africains, qui portent la voix de l’Afrique dans les débats climatiques mondiaux.
Les mouvements communautaires, qui se mobilisent contre les projets fossiles, les spoliations foncieres, les pêcheurs de Saint-Louis, qui défendent leurs moyens de subsistance face aux projets gaziers, me rappellent l’importance de l’engagement communautaire.
Quand vous imaginez l’Afrique dans 20 ans, quelle image vous donne de l’espoir, et quelle image vous effraie le plus ?
Ce qui me donne de l’espoir, c’est une Afrique où les jeunes mènent la transition vers des énergies renouvelables, où les forêts sont restaurées et où les communautés vivent en harmonie avec la nature. Ce qui m’effraie, c’est une Afrique où l’exploitation des énergies fossiles aurait aggravé la désertification, les migrations forcées et les conflits liés à l’eau. Mais je crois en notre capacité à éviter ce scénario par l’action collective.
Quel message souhaiteriez-vous adresser à un.e jeune qui hésite encore à s’engager ?
N’attends pas d’être parfait ou d’avoir toutes les réponses pour agir. Chaque pas compte : planter un arbre, sensibiliser un ami, rejoindre une marche. Le changement climatique est un défi collectif, et ta voix, aussi petite qu’elle te semble, peut inspirer d’autres. Ensemble, nous pouvons redonner un sourire à la planète. Alors, lance-toi, on a besoin de toi !

« Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. » Face aux défis sociaux et de développement, l’urgence ne tient pas compte du critère de l’âge. Quand il s’agit de l’avenir du continent et de millions de vies, il ne s’agit pas seulement de « soi », mais de « nous ». Et lorsque la cloche de l’action sonne, il faut répondre avec ce que l’on a. La question climatique, elle, est une urgence partagée. Une urgence qui nous concerne tous et pour laquelle nous devons nous engager et prendre nos responsabilité.
Cher Yero,
InspireAndShine vous remercie pour vos actions en faveur de la lutte contre le changement climatique.
Comme lui, vous pouvez vous aussi devenir acteur du changement.
Le monde n’attend que vous !
Raissa Sawo Kouadio
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