Asta Djossou

Lorsque vous êtes témoins d’une injustice criarde que faites-vous ? Lorsque vous intégrez un environnement où l’injustice a une place de choix que personne n’ose revendiquer comment réagissez-vous ? Lorsque la société entière vous demande de mimer ses actes et à sa suite, de vous taire face à une situation qui révolte, comment agissez-vous ?

Dans le contrat social, la majeure partie des humains protègerait leur tête: Si personne ne parle, alors je ferais de même. Bien heureusement, pas toutes, il existe une catégorie de personne qui elles, ont choisit de faire les choses différemment. Parce que ces personnes existent et ont décidé de faire de l’engagement pour le changement leur combat, InspireAndShine existe, pour garder en mémoire leur action, soutenir leur plaidoyer et susciter à travers eux plus d’engagement chez la jeune génération.

Cette semaine, nous retournons un an après au bénin, à la découverte d’une jeune femme qui a fait du plaidoyer pour l’égalité et l’autonomisation des femmes et des filles, dans sa communauté, son combat. Son rêve, vivre dans une société  où chaque femme voit ses droits respectés.


Son nom: Yabo Asta DJOSSOU

Cher invitée, bienvenue sur InspireAndShine! Le blog est heureux de vous accueillir pour cet interview. Alors dites-nous tout qui est Yabo Asta DJOSSOU et qu’est ce qui a suscité votre engagement?


Yabo Asta DJOSSOU est juriste de formation, auditrice à la chaire UNESCO des droits de la personne humaine et de la démocratie. Jeune Leader du Bénin 2024, elle milite en faveur des droits humains, en particulier de l’égalité des genres et de l’autonomisation des femmes et filles.

Mon engagement a d’abord été motivé par mon combat contre les discriminations sociales et les injustices. Ma famille a été victime d’une injustice grave qui a conduit au décès de mon grand frère alors que je n’avais que 10 ans. Cet événement a profondément marqué mon enfance et a forgé ma détermination à défendre les droits humains. C’est d’ailleurs ce qui m’a poussée à étudier le droit.

Après mon bac, en arrivant à l’université, j’ai été confrontée à de nombreuses formes de discriminations, notamment envers les jeunes filles. J’ai constaté en amphi que pour obtenir une place dans certains cours, elles étaient parfois obligées de céder à des avances inappropriées de certains responsables. J’ai alors décidé que je ne serai pas cette fille qui a besoin d’un homme pour l’aider à avoir une place devant, et que je lutterais pour que d’autres filles prennent cette décision également. C’est ainsi que mon engagement a pris une dimension plus marquée, avec un focus sur l’égalité des genres et la lutte contre les violences basées sur le genre. J’ai commencé à militer au sein du scoutisme, puis en tant que pair éducateur. Je fais actuellement partie de la plateforme de Veille VBG- UAC. J’ai milité aussi au sein de plusieurs autres associations où j’ai acquis des compétences et de l’expérience.

Asta Djossou

En 2022, j’ai fondé le Réseau des Jeunes Filles du Bénin , une organisation qui agit concrètement pour l’émancipation et l’autonomisation des jeunes filles et femmes dans les zones défavorisées touchées ou presque par le terrorisme.

Qu’est-ce qui vous motive à continuer?


L’impact concret que mon engagement peut avoir sur la vie des filles et des jeunes femmes est ce qui me motive. Voir des filles prendre confiance en elles, refuser l’oppression et se donner les moyens d’exister pleinement dans la société me donne l’énergie de continuer. Il y a aussi une dimension personnelle : grandir dans une famille qui a connu des injustices et voir ma grande sœur se relever après avoir été victime de violences conjugales m’a profondément marquée. Je veux contribuer à bâtir un monde plus juste, où chaque personne, en particulier les femmes, peut s’épanouir sans être limitée par des barrières arbitraires.

Pouvez-vous nous en dire plus sur votre engagement en tant que présidente des jeunes conseillers du scoutisme Béninois et en faveur du Réseau des Jeunes Filles du Bénin ?

Asta Djossou


Mon rôle en tant que présidente des jeunes conseillers du scoutisme béninois a été un combat : me faire réellement écouter et prendre en compte dans les décisions. Lorsque j’ai été désignée, j’ai rapidement compris que mon rôle était perçu comme symbolique. Pendant un moment, j’étais présente sans vraiment peser. Le véritable défi a été d’apprendre, comprendre le fonctionnement du système, et utiliser les compétences acquises grâce à mon activisme pour imposer notre voix. Ce n’est qu’avec le temps que j’ai pu faire entendre la voix et faire que les décisions prises tiennent réellement compte des réalités des jeunes, et ne soient plus simplement dictées par les intérêts en place.
Concernant le Réseau des Jeunes Filles du Bénin (RJFB-anciennement Act For Change), son action s’oriente aujourd’hui vers les zones du Nord et celles touchées ou menacées par le terrorisme.

Ces régions sont souvent délaissées par les initiatives en faveur des femmes et les organisations, soit par manque de moyens, soit par crainte d’y intervenir. Or, les inégalités y sont encore plus profondes: les discriminations et les oppressions structurelles qui touchent les femmes partout dans le pays y sont exacerbées par des réalités locales spécifiques. C’est précisément là que nous voulons agir, là où les inégalités sont les plus criantes et où les besoins sont les plus urgents. En tant que Présidente, je donc suis la meneuse, celle qui doit motiver, et garder les membres engagés, pour un impact réel.

Quels ont été les plus grands défis auxquels vous avez fait face dans votre engagement? Y a-t-il des moments ou des évènements qui ont marqué un tournant dans votre parcours ?


Oui ! l’un des principaux défis rencontrés est l’intervention dans certaines communautés fortement ancrées dans des traditions conservatrices. L’accueil dans ces communautés est généralement chaleureux. Cependant, dès que les autochtones apprennent les thématiques (autonomisation des filles, égalité des genres, DSSR ..) des résistances apparaissent. Dans certaines zones, défendre les droits des filles est perçu comme une tentative de rébellion contre l’ordre établi. La principale difficulté réside donc dans l’adaptation de nos approches pédagogiques et stratégiques. Une méthode qui fonctionne dans une région peut échouer dans une autre. Il faut savoir intégrer les réalités culturelles tout en portant un message de transformation.
Un autre défi majeur est le manque de financement. Ces activités sont souvent menées sur fonds propres, ce qui limite leur ampleur. L’objectif est donc d’obtenir des financements pour structurer davantage ces interventions et impacter durablement ces communautés.

Asta Djossou

Quelles sont les actions concrètes que vous avez mises en place ou auxquelles vous participez activement ?


Parmi les actions initiées sont inscrites :
L’initiative de mon anniversaire à Kpomassè, où j’ai lancé un programme d’autonomisation des jeunes filles et femmes couturières en leur offrant une formation à la fabrication de serviettes hygiéniques réutilisables.
La création du Réseau des Jeunes Filles du Bénin, qui vise à renforcer l’autonomisation des filles et des jeunes femmes, en particulier dans les zones reculées.
L’un des projets phares du RJFB: Fémin’Action, un programme de formation et d’accompagnement des jeunes filles sur les questions de leadership et d’égalité des genres. La deuxième édition a eu lieu en décembre 2024 à Sinendé.

Qui ou quoi vous inspire dans votre engagement?


Mon père est ma première source d’inspiration. Il est un véritable HeForShe, un homme qui a toujours cru en l’égalité et qui n’a jamais hésité à s’impliquer dans les tâches domestiques, à nous éduquer dans une mentalité d’égalité et de respect mutuel. Son exemple m’a montré qu’un autre modèle de société est possible. Au-delà de lui, mon engagement est aussi nourri par l’envie de voir un monde plus juste, où les femmes, surtout celles issues de milieux défavorisés, peuvent avoir les mêmes opportunités que les hommes.

Asta Djossou

Y a-t-il des figures historiques ou contemporaines que vous admirez particulièrement ?


Oui, il en existe ! Je peux pour ma part citer: Thérèse Wahouwa, une femme béninoise qui a joué un rôle important dans l’histoire économique et politique du Bénin, une figure de résilience ; Mariama Bâ, auteure de Une si longue lettre, et la militante Reckya Madougou, femme politique et militante, audacieuse et persévérante qui a réussit à s’imposer dans les sphères des décisions dominés par le masculin.

Quel est le projet dont vous êtes le plus fier jusqu’à présent ?

Plusieurs projets me rendent particulièrement fière. Toutefois, j’evoquerai ces deux initiatives:

  • Mon anniversaire à Kpomassè, où j’ai mis en place un programme pour former des jeunes filles à la fabrication de serviettes hygiéniques réutilisables. Malgré les défis financiers, j’ai réussi à organiser cet événement avec un impact concret.
  • La deuxième édition de Fémin’Action, qui a nécessité des efforts colossaux, surtout en raison du choix de cibler des zones plus reculées et à l’autre bout du pays. Malgré la distance et le manque de ressources, surtout financière, nous y étions, nous avons tenu bon, et l’impact sur les jeunes filles a été considérable. Sauf qu’il faut qu’on ne s’arrête pas en si bon chemin. Il nous faut l’appui des partenaires techniques et financiers. L’objectif est maintenant d’obtenir des financements pour pérenniser ces actions et étendre l’initiative à d’autres communes.

Comment évaluez-vous l’impact de votre travail sur la communauté ou la cause que vous soutenez ?


L’impact ne se mesure pas uniquement en chiffres, mais surtout à travers les témoignages et les transformations individuelles. Chaque fois qu’une fille dit qu’elle a pris confiance en elle, qu’elle a osé dire non à une situation injuste ou qu’elle s’est engagée à son tour, je sais que mon travail porte ses fruits. Bien sûr, nous travaillons aussi à documenter nos actions avec des statistiques et des évaluations plus précises, mais ce sont ces retours humains qui me confirment que le changement est en marche.


Asta Djossou

Quel conseil donneriez-vous à une jeune femme qui souhaiterait s’engager mais ne sait par où commencer?


Mon premier conseil serait de s’informer et de se former sur les causes qui l’intéressent. Savoir réellement ce pourquoi on s’engage, ou veut s’engager. Ensuite, choisir une organisation qui correspond réellement à ses valeurs et à sa vision, au lieu de se disperser dans plusieurs associations. S’engager, c’est aussi donner le meilleur de soi-même, ne pas avoir peur des obstacles et comprendre que cet engagement ne bénéficie pas seulement aux autres, mais aussi à soi-même. Être activiste, c’est acquérir des compétences, du leadership et de la confiance en soi. C’est un super-pouvoir que toute femme devrait exploiter.

Parce qu’acquérir des compétences, du leadership et de la confiance en soi est un super-pouvoir que toute femme devrait exploiter, InspireAndShine se dit honoré d’avoir pu recevoir une super-héroïne telle que Asta. Dans une société où les femmes et jeunes filles sont exploitées et victime d’abus chaque jour, des actions concrètes pour le changement restent indispensables; des voix qui s’élèvent en faveur de plus d’équité, primordiales.

Cher Asta, InspireAndShine vous remercie pour votre engagement en faveur jeunes femmes et des filles du Benin. Vos actions sont une véritable source d’inspiration pour les générations actuelles et futures.
Comme notre invité du jour, vous êtes appelés à prendre action en faveur de votre communauté.

Le monde n’attend que vous !

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