
Certaines personnes nous inspirent par leurs valeurs et leur parcours individuel. D’autres, par la portée de leurs actions, éveillent et mobilisent toute une communauté.
Comme le souligne l’auteur Marie-Lucienne N. dans son ouvrage, Brillez,vous en avez aussi la possiblité, la vraie lumière est celle qui rejaillit sur les autres et les fait eux aussi entrer dans la lumière.
Cette semaine sur InspireAndShine, nous mettons à l’honneur une jeune femme qui a fait de l’engagement pour l’éducation et l’accessibilité pour tous aux livres, son combat.
Son nom: Gnimin Y. Coulibaly.
L’INTERVIEW

Cher Gnimin, bienvenue sur le blog InspireAndShine ! Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en quelques mots et partager un pan de votre parcours ?
Merci infiniment pour cet accueil chaleureux ! Nous sommes Gnimin Yatchoumoutio ( j’adore ce prénom, je le garde très secrètement dans mon cœur ) Coulibaly, passionnée par l’engagement communautaire, la jeunesse et la promotion du livre. Diplômée en agriculture et production animale, notre parcours nous a mené bien au-delà de ce domaine technique. Aujourd’hui, nous nous définissons comme actrice du changement social par l’éducation, fondatrice de l’ONG KOYATCH, et membre de plusieurs initiatives, dont le Youth Sounding Board de l’Union européenne en Côte d’Ivoire, U-Report… Ce que nous faisons aujourd’hui est profondément enraciné dans notre histoire, notre volonté de rendre la connaissance accessible et de créer des ponts entre les mots et les vies.
Vous êtes diplômée en agriculture et production animale, un domaine a priori éloigné de l’univers du livre. Qu’est-ce qui vous a conduite vers l’engagement social, et plus particulièrement vers la promotion de la lecture?
C’est vrai que, de prime abord, l’agriculture et la lecture semblent être deux mondes bien éloignés. Mais dans notre parcours, les chemins ne sont jamais vraiment tracés. Le livre n’a pas toujours été une option pour nous. Mais l’éducation, oui. Nous avons grandi dans un foyer où notre mère, qui n’a pas eu la chance de faire les bancs, s’est pourtant battue avec dignité pour que ses enfants aient une chance d’évoluer. Elle a fait des sacrifices que vous ne pourrez pas imaginer qui, encore aujourd’hui, nous inspirent. Aussi, à un moment de notre vie, la lecture a été notre thérapie. Une façon de se comprendre, de se réparer, de rêver autrement. C’est pour cela que nous faisons tout pour que d’autres sachent le pouvoir que contient un livre: celui d’apaiser, d’ouvrir, de transformer.
Vous êtes aujourd’hui très engagée pour rendre l’éducation accessible à tous. Quand a débuté cette belle aventure, et quel a été l’élément déclencheur ?
Tout est parti d’une prise de conscience, en tant que jeunes, sur notre rôle à jouer dans la société.
Avec une amie, nous nous sommes posé une question toute simple: pourquoi y a-t-il autant de lacunes chez les jeunes, alors que la connaissance existe et est accessible?
Nous nous sommes rendu compte que le livre, pourtant riche en savoir, n’était pas valorisé, ni mis à disposition dans nos communautés. Alors, en toute humilité, nous avons décidé d’agir. À notre niveau. En proposant des actions concrètes pour faire redécouvrir la lecture et soutenir l’éducation, surtout là où l’on n’attend personne.
Ce n’est pas un projet né dans un bureau, mais dans un questionnement et un désir profond d’être utile à notre environnement.

Vous êtes la fondatrice de KOYATCH. En quelques mots, qu’est-ce que KOYATCH? Qu’est-ce qui a motivé sa création ?
KOYATCH est une organisation ivoirienne qui œuvre à la promotion du livre, de la lecture et des écrivain·e·s africain·e·s, tout en créant des espaces sûrs pour l’expression des jeunes. L’idée nous est venue de la frustration de ne pas trouver de livres africains dans les bibliothèques ou d’événements accessibles pour les jeunes lecteurs. KOYATCH, c’est notre réponse à ce vide : un mouvement qui veut réconcilier les jeunes avec leur culture, leur créativité et leur pouvoir d’agir. Et rassurez-vous, KOYATCH, ce n’est pas que lecture. Le second volet, sera bientôt mis sous le feu des projecteurs. Mais pour l’heure, lisons et cultivons la lecture.

Comment KOYATCH agit-elle concrètement pour promouvoir la lecture et le bien-être dans les communautés ?
Nous organisons des clubs de lecture, des dédicaces d’auteurs africains, des ateliers d’écriture et de lecture, mais aussi des campagnes de don de livres, de kits scolaires, et des actions de sensibilisation dans les écoles, les villages.
Nous croyons au pouvoir de proximité. KOYATCH va vers les gens, dans les villages, les quartiers oubliés, là où il n’y a ni bibliothèque, ni librairie. Nous associons souvent la lecture à des activités culturelles et ludiques, pour créer du lien, du plaisir et de la réflexion.
Quels sont les publics que vous ciblez en priorité (enfants, jeunes, femmes, communautés rurales…) ? Et quels changements tangibles avez-vous pu observer sur le terrain?
Nous ciblons principalement les jeunes, les enfants et les femmes, en particulier dans les zones rurales ou en situation de précarité. Nous avons vu des enfants découvrir leur premier livre, des jeunes filles se remettre à rêver d’université, des femmes créer des cercles de lecture. Dans certains villages, nous avons vu les mentalités évoluer sur la place de l’éducation, sur la confiance en soi. Cela donne foi en ce que nous faisons.

Quelle est la réalisation dont vous êtes la plus fière dans le cadre de vos actions avec KOYATCH?
Nous sommes particulièrement fières d’avoir pu doter des écoles rurales de mini bibliothèques alimentées exclusivement par des livres majoritairement africains. Mais, nous sommes surtout fières des liens humains que nous avons créés : une mère qui lit à son enfant, une adolescente qui prend la parole lors d’un débat littéraire pour la première fois. Ce sont ces victoires assez calmes qui nous marquent le plus.
Avez-vous des exemples de parcours de vie transformés grâce à vos initiatives?
Oui, et ce sont souvent ces moments-là qui nous rappellent pourquoi nous faisons tout cela. Nous pensons à ces jeunes qui parcourent de longue distance pour participer à nos ateliers, parfois sans savoir ce qui les attend, mais avec une soif de découvrir. Nous nous souvenons des enfants de Talahini, de Yalo dans la région du bounkani et aussi de Marabadiassa, qui ont vu une bibliothèque pour la toute première fois. L’ étonnement, la joie sur leur visage et cette curiosité de sentir le livre, ça fond le cœur de plaisir. Ce sont des images qu’on n’oublie pas. Nous pensons aussi à ces élèves du L’EPP Ville Nord de Bouaké, qui aujourd’hui ont une bibliothèque dans leur établissement, offerte grâce à l’initiative d’une ancienne élève. Ce lieu n’est pas qu’un espace avec des livres. C’est devenu un point de ralliement, d’inspiration et de silence fertile, nous sommes tellement fiers et reconnaissant à Dieu qui Facilite toujours. Ces expériences nous montrent que l’impact ne se mesure pas qu’en chiffres, mais en regards changés et en vies éveillées.

Selon vous, en quoi la lecture peut-elle être un levier puissant de transformation sociale durable?
Parce qu’elle ouvre les yeux, les cœurs et les esprits. La lecture permet de s’émanciper, de se comprendre et de comprendre le monde. Elle donne du langage à la souffrance, de la forme au rêve, de l’élan à l’engagement. Dans une société où tant de voix sont étouffées, lire, c’est déjà résister. Et faire lire, c’est construire des citoyens éclairés, capables de bâtir un monde plus juste.
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez dans le cadre de vos actions?
Le manque de ressources reste le défi numéro un: peu de moyens pour acheter des livres, se déplacer ou pérenniser nos projets. Il y a aussi le défi des mentalités : convaincre que la lecture est utile, même pour un enfant de paysan, même pour une fille. Et bien sûr, le manque d’espaces adaptés à la lecture, surtout en zones rurales. Mais chaque défi est aussi une opportunité d’innover et de fédérer.

Comment percevez-vous l’évolution de la lecture et de l’éducation sur le continent africain dans les années à venir ?
Nous sommes profondément optimistes. Il y a un réveil littéraire africain, un retour aux langues locales, une explosion de la création féminine. De plus en plus d’initiatives naissent pour rapprocher le livre des jeunes. Avec le numérique, les barrières tombent peu à peu. Si nous investissons dans l’éducation et valorisons nos histoires, nous croyons que l’Afrique de demain sera lettrée, libre et debout.
Dans les cinq années à venir, quel est votre objectif à atteindre dans le domaine d’engagement et quelle avancée voulez-vous voir réalisée ?
Nous rêvons de voir une bibliothèque KOYATCH dans chaque région de Côte d’Ivoire, mais aussi de développer une collection de livres jeunesse écrits par des jeunes pour les jeunes, en langues locales. Notre objectif est aussi de former une génération de passeurs de lecture: des jeunes ambassadeurs capables de faire vivre le livre dans leurs communautés, même sans infrastructure. La lecture ne doit plus être un luxe, mais une évidence.

Quel message aimeriez-vous adresser à un jeune qui souhaite s’engager à son tour, mais qui hésite encore à franchir le pas?
Nous lui dirions : Ne cherche pas à faire grand tout de suite. Commence petit, mais commence vrai. L’engagement n’est pas réservé à une élite. Il commence souvent par une simple question: Et si c’était moi ? Ose écouter cette voix intérieure. Même si tu doutes, avance. Parce que chaque mot, chaque livre partagé peut changer une vie et peut-être la tienne d’abord.
L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde, disait Nelson Mandela. La lecture, elle, nous ouvre les portes de ce monde. Parce que nul ne devrait vivre dans l’obscurité que représente le manque de connaissances des personnes comme Gnimin existent et agissent en faveur des communautés les plus vulnérables.
À travers des initiatives bénévoles, sans grand financement, notre invitée agit avec ce qu’elle a, avec pour volonté inébranlable de faire la différence. Son engagement, lui, transforme des vies.
Cher Gnimin, InspireAndShine vous remercie pour votre dévouement et votre combat en faveur de l’éducation.
Comme elle, vous pouvez vous aussi devenir acteur du changement.
Le monde n’attend que vous !
Raissa Sawo Kouadio
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