
Une voix se fait entendre au milieu du Sahel. Une femme décide de se lever face à l’injustice que subissent plusieurs autres. Dans une société traditionnelle où les femmes n’ont pas leur mot à dire, élever la voix dérange. Dans une société traditionnelle où l’abus a été érigé en norme, lui redonner sa vraie qualification enrage. Mais cette voix, ne compte pas se laisse faire. Il ne s’agit pas que d’elle mais de toutes et avec des generations à venir.
Cette semaine, c’est avec un immense plaisir qu’InspireAndShine vous emmène au Tchad à la rencontre d’une militante qui a décidé de faire de la lutte pour toutes son combat.
Son nom: Épiphanie Dionrang.

L’interview
chère portrait, bienvenue sur InspireAndShine, dites-nous tout, qui est Épiphanie Dionrang ?
Bonjour et merci pour cette invitation! Je suis Épiphanie Dionrang, militante féministe, slameuse et présidente de la Ligue Tchadienne des Droits des Femmes. Je suis project manager de Edu Slam et de Inkhaz, Justicière du sahel. Je suis une femme passionnée par la justice sociale, l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. À travers mon engagement, mon art et mon leadership, je mets tout en œuvre pour briser les chaînes de l’injustice et donner une voix aux femmes et aux filles du Tchad.
Qu’est-ce qui a suscité votre engagement et vous a poussée à vous engager dans la défense des droits des femmes? Avez-vous un événement marquant ou une expérience personnelle qui a influencé votre choix?
Oui, mon engagement a été profondément influencé par une expérience personnelle tragique. Une de mes amies proches a été enlevée, violée et assassinée. Ce drame m’a bouleversée et m’a ouvert les yeux sur l’urgence de lutter contre les violences faites aux femmes. J’ai réalisé que le silence et l’inaction ne pouvaient plus être une option. C’est à ce moment que j’ai décidé de consacrer ma vie à la défense des droits des femmes et à la lutte contre les violences qu’elles subissent.
Quelles sont les valeurs qui vous guident dans votre lutte quotidienne pour l’égalité des sexes et la promotion des droits des femmes?
Les valeurs qui me guident sont la justice, la solidarité le courage et la dignité humaine. Je crois fermement que chaque femme mérite de vivre dans un monde où ses droits sont respectés, où elle peut s’exprimer librement et où elle à accès aux mêmes opportunités que les hommes. Ces valeurs me poussent à continuer ce combat, même face aux obstacles.

En tant que responsable de la Ligue Tchadienne des Droits des Femmes, quel impact personnel espérez-vous avoir sur la vie de chaque femme au Tchad?
J’espère que chaque femme au Tchad se sentira libre, forte et entendue. Mon objectif est de créer un environnement où les femmes peuvent vivre sans peur, où elles connaissent leurs droits et où elles ont les moyens de les défendre. Je veux que chaque femme sache qu’elle n’est pas seule et qu’elle a le pouvoir de changer sa vie et celle des autres.
Quel est, selon vous, le plus grand défi auquel une femme doit faire face dans son parcours pour ses droits, et comment votre engagement cherche-t-il à y répondre ?
Le plus grand défi est la culture du silence et de l’impunité. Beaucoup de femmes ont peur de parler par crainte des représailles ou de la stigmatisation. Mon engagement vise à briser ce silence en offrant un soutien juridique, psychologique et social aux victimes, en sensibilisant les communautés et en plaidant pour des lois plus strictes contre les violences faites aux femmes.
Y a-t-il une femme ou un groupe de femmes qui vous inspire particulièrement dans votre travail et votre lutte pour les droits des femmes?
Oui, les féministes m’inspirent énormément et les militantes locales qui se battent au quotidien pour les droits des femmes me donnent de la force et de l’espoir. Leur courage et leur détermination me rappellent que le combat pour l’égalité est universel et que chaque petite victoire compte.

Comment percevez-vous l’évolution de votre rôle en tant que défenseure des droits des femmes et quelles sont vos ambitions pour l’avenir ?
Mon rôle a évolué d’une militante passionnée à une leader engagée. Aujourd’hui, je me concentre sur le renforcement des structures de soutien aux femmes et sur la mobilisation des jeunes générations. Mon ambition est de voir un Tchad où les femmes sont pleinement autonomes, où les violences sont éradiquées et où l’égalité des sexes est une réalité.
Comment évaluez-vous les résultats de vos actions sur le terrain, particulièrement en ce qui concerne l’amélioration de la condition de la femme dans les communautés les plus vulnérables ?
Les résultats sont encourageants, même s’il reste beaucoup à faire. Nous avons réussi à sensibiliser des communautés entières, à accompagner des victimes vers la justice et à autonomiser des femmes grâce à des formations. Cependant, les défis persistent, notamment dans les zones rurales où les traditions sont encore très ancrées.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez dans le cadre de votre engagement?
Les difficultés sont nombreuses : le manque de ressources financières, la résistance culturelle, la lenteur du système judiciaire et parfois les menaces que nous recevons. Mais ces obstacles ne font que renforcer ma détermination à continuer ce combat.
Dans votre expérience, quelles sont les plus grandes réussites de votre engagement en faveur des femmes et comment ces réussites sont-elles perçues ?
Ma plus grande réussite est de voir aujourd’hui les femmes tchadiennes libérer la parole et occuper les espaces. Organiser la première marche des femmes autorisés au Tchad sous le theme » Stop aux violences faites aux femmes et l’impunité des auteurs », ayant reunit des centaines de femmes dans les rues de N’djamena, a été un moment historique. Il faut aussi noter l’organisation du premier colloque des féministes du Tchad, des marches sportives, des sensibilisations dans les écoles, dans les ménages et marchés. Aujourd’hui, la peur est en train de changer de camp, et cela me remplit de fierté.


À travers votre travail, avez-vous observé des changements dans la manière dont les femmes au Tchad perçoivent leurs droits et leur place dans la société?
Oui, il y a des changements significatifs. De plus en plus de femmes osent dénoncer les violences, revendiquer leurs droits et prendre leur place dans la société. C’est un signe que notre travail porte ses fruits, même si le chemin est encore long.

Comment souhaitez-vous voir l’engagement des jeunes générations de femmes tchadiennes évoluer pour un impact encore plus fort sur leurs droits?
Je souhaite que les jeunes générations s’engagent encore plus massivement, qu’elles utilisent les réseaux sociaux, l’art et l’éducation pour sensibiliser et mobiliser. Leur énergie et leur créativité sont essentielles pour accélérer le changement.
Quel conseil donneriez-vous à un.e jeune qui aimerait s’engager mais qui hésite encore à le faire?
Je leur dirais : N’ayez pas peur ! Le combat pour les droits des femmes est un combat noble et nécessaire. Commencez par de petites actions, entourez-vous de personnes qui partagent vos valeurs, et surtout, croyez en votre pouvoir de changer les choses. Chaque voix compte, et chaque pas compte.

Derrière chaque combat se cache une histoire, derrière chaque victoire une lutte. Au Tchad, bien que des progrès aient été réalisés, les droits des femmes restent insuffisamment protégés. Des lois contre les violences faites aux femmes et aux filles ont été adoptées, mais leur application reste un défi. Des femmes comme Épiphanie Dionrang continuent de se battre pour une meilleure représentativité et contre les discriminations.
Chère Épiphanie, InspireAndShine vous remercie pour vos actions quotidiennes en faveur de chaque femme et pour un monde plus juste pour les futures générations. Merci de vous faire la voix haute de celles dont la voix est étouffée par une société devenue lourde à porter.
Documenter les actions de ceux qui changent le monde, c’est susciter le changement. Voici l’un des objectifs d’InspireAndShine.
Comme Épiphanie Dionrang, vous êtes aussi appelé·e à vous engager en faveur du changement dans votre communauté.
Raissa Sawo Kouadio
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