Passionnée d’engagement social et assurée que nous pouvons avec des efforts collectifs parvenir à un monde meilleur, c’est toujours un plaisir pour moi de mettre en lumière des jeunes engagées et leaders ayant la même aspiration et oeuvrant en faveur du changement.
Aujourd’hui, je vous emmène chez moi en Cote d’Ivoire avec Adama Horoh BAH, une jeune ivoirienne de 25 ans faisant bouger les choses. J’espère après lecture de cet interview, faire émerger une graine de leader longtemps enfouie en un(e)jeune hésitant encore à se lancer.
Adama Horoh BAH
Diplômée d’un Master en Communication des Organisations Publiques et Parapubliques ainsi que d’un second Master en Coopération et Action Humanitaire, Adama Horoh Bah se distingue en tant que jeune activiste et féministe ivoirienne. Elle s’investit bénévolement au sein de la Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes, une association qui aide et accompagne les femmes survivantes de violences, où elle occupe le poste de responsable communication. Parallèlement, Adama apporte son soutien bénévole à l’association Adeen Tahny IY, qui lutte contre la précarité menstruelle. Engagée également au sein du Plan des Jeunes, l’organisation de jeunesse de l’ONG Plan International France, elle œuvre pour promouvoir l’égalité des genres en France et dans le monde.
Entretien avec Adama
Bienvenue Adama, c’est un honneur pour nous de vous recevoir sur InspireAndShine.
Pouvez-vous nous partager les raisons ayant suscités votre engagement en faveur des droits des femmes et leurs influence sur votre parcours jusqu’à présent ?
La première raison qui a suscité mon engagement est bien évidemment parce que je suis une femme. Je trouve logique de m’engager pour faire respecter mes droits, ainsi que ceux des autres filles et femmes. Mais surtout, parce que depuis mon enfance, je faisais déjà un constat de certaines inégalités de traitement existantes notamment entre les filles et les garçons. Je considérais qu’il n’était pas normal, par exemple, de devoir retirer certaines filles du cursus scolaire pour les marier ; qu’il n’était pas normal que l’accès à l’éducation soit privilégié pour les garçons par rapport aux filles ; qu’il n’était pas normal de voir des hommes battre leurs épouses ; qu’il n’était pas normal qu’on m’interdise certaines choses en raison de mon genre, etc. À cette époque, j’étais consciente de ces inégalités, mais je ne savais pas comment agir concrètement. Mon engagement s’est donc structuré au fur et à mesure, en côtoyant d’autres femmes partageant les mêmes préoccupations que moi, en acquérant de nouvelles connaissances qui m’ont aidée à remettre en question certains sujets, mais surtout, en intégrant le milieu associatif.
Vous définissez-vous en tant que féministe ? Si oui comment définissez-vous ce terme et en quoi cette définition guide-t-elle votre engagement pour les droits des femmes?
Oui ! Oui ! Et oui ! Je suis féministe. Je suis même une activiste féministe, ce qui signifie que mon engagement en faveur du féminisme est assez prononcé. En effet, je considère le féminisme comme une idéologie, un moyen de lutte et d’actions concrètes visant à créer un environnement où les hommes et les femmes sont égaux en termes de droits, de traitement et d’opportunités. C’est pourquoi, pour moi, il est très important d’endosser ce rôle de féministe, afin de rappeler ces éléments au monde entier, mais surtout aux femmes, pour qu’elles se rappellent qu’elles ont des droits fondamentaux et que la société dans laquelle elles évoluent doit respect leurs droits.
Quelles sont les principales questions liées aux droits des femmes qui vous tiennent le plus à cœur et que vous aimeriez voir davantage abordées dans la société?
Je porte une attention particulière à l’accès à l’éducation pour les filles et les femmes, car comme Nelson Mandela, je considère que l’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. Je connais les avantages que l’accès à l’éducation m’a apportés et continue de m’apporter, alors je pense qu’aucune personne ne devrait en être privée. L’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme dispose que tous les êtres humains naissent égaux, donc je trouve inadmissible de se sentir supérieur à une personne au point de lui porter préjudice, par exemple. Les actes de violence perpétrés envers les filles et les femmes constituent l’une des plus grandes violations de cette égalité de droits. Ce sont donc des sujets qui devraient bénéficier d’une attention accrue et de dispositifs de traitement au sein de nos sociétés.
Pouvez-vous partager une expérience spécifique où vous avez été confrontée à des obstacles en raison de votre engagement pour les droits des femmes et comment avez-vous surmonté ces défis ?
Je ne pense pas avoir déjà été véritablement confrontée à des obstacles quant à mon engagement féministe. En effet, j’ai très souvent travaillé dans des environnements féministes, avec des personnes partageant les mêmes valeurs que moi. Toutefois, dans ma vie quotidienne, j’ai déjà été confrontée à des piques et à des propos désagréables en raison de cet engagement féministe, mais rien de très grave. Ainsi, peut-être pour citer un exemple, je peux parler de cette fois où, en rentrant chez moi un soir, j’ai vu un homme devant ma résidence en train de battre sa compagne. J’ai donc décidé d’intervenir en demandant à la dame si tout allait bien, ce qui a calmé l’homme, mais il s’est immédiatement retourné contre moi et m’a agressée verbalement. J’avoue avoir eu peur qu’il ne passe à l’acte, mais j’ai surmonté ma peur et je suis restée là jusqu’à ce qu’il parte, afin de proposer mon aide à sa compagne.
Comment pensez-vous que les jeunes femmes peuvent jouer un rôle important dans la promotion de l’égalité des sexes et la défense des droits des femmes?
Les jeunes femmes peuvent et devraient jouer un rôle important dans la promotion de l’égalité des sexes et la défense des droits des femmes en prenant la parole, en partageant leurs expériences et en posant des actions pour provoquer un changement. Je considère que personne ne pourra mieux parler des difficultés que nous vivons que nous-mêmes, donc c’est à nous de les dénoncer. Il faudrait également qu’elles se forment et entreprennent des actions concrètes pour revendiquer et faire respecter leurs droits.
Quelles sont vos idées sur l’autonomisation des femmes dans le domaine professionnel, et comment pensez-vous que cela pourrait être amélioré ?
Je considère que dans le milieu professionnel, les femmes font encore face, malheureusement, à plusieurs difficultés. Les inégalités salariales persistent, comme en France où les femmes sont payées 15,4 % de moins que les hommes à travail égal. Il y a aussi le plafond de verre, le harcèlement sexuel, le sexisme, le manque de valorisation de leur travail, etc. Même si d’énormes progrès ont été observés sur ces sujets, ils demeurent toujours d’actualité. Il faudrait donc plus de mesures de lutte, telles que des lois pour sanctionner, un changement de mentalité de manière générale, mais surtout, des actions même à petite échelle. Par exemple, en tant que manager, s’assurer que toute l’équipe est traitée de manière équitable, que les femmes de son équipe évoluent dans un environnement sûr, et mettent en avant leur travail.
En tant qu’activiste pour les droits des femmes, quelles initiatives ou projets avez-vous lancés ou soutenus pour contribuer à la cause ?
De manière courante, j’utilise mes réseaux sociaux pour sensibiliser sur l’importance de défendre et de respecter les droits des femmes. Je profite de l’opportunité que m’offre le numérique pour dénoncer les cas de violences ; appeler à une prise de conscience collective ; et rappeler la nécessité d’agir chacune à son niveau pour avoir un plus grand impact. J’ai déjà mené un projet de sensibilisation sur la précarité menstruelle auprès de lycéen.nes afin de déconstruire les tabous et les préjugés liés aux règles, qui empêchent parfois les filles d’accéder à l’éducation. À côté de cela, je suis aussi engagée auprès d’associations telles que la Ligue ivoirienne des droits des femmes, l’association Adeen Tahny IY, et le Plan des jeunes de l’ONG Plan International France, qui sont des organisations qui travaillent pour promouvoir les droits des filles et des femmes.
Comment voyez-vous l’évolution du mouvement pour les droits des femmes dans les années à venir, et quel rôle espérez-vous y jouer ?
Je crois que dans quelques années, nous aurons fait des progrès significatifs sur ce sujet, et que la prise de conscience actuelle continuera de s’étendre, surtout parmi les filles et les femmes. Elles seront encore plus engagées pour défendre leurs droits. Bien que certaines inégalités et préjugés puissent persister, je suis optimiste quant aux actions de changement qui se poursuivront. Tant que le patriarcat existera, les féministes aussi existeront et continueront de lutter. Pour ma part, je resterai engagée en fournissant davantage de contenu informatif, éducatif et de sensibilisation sur cette question.
Pouvez-vous partager des exemples de personnes ou de mouvements qui vous inspirent dans votre travail en faveur des droits des femmes?
J’aime particulièrement l’autrice nigériane Chimamanda Ngozi Adichie et son approche des questions d’égalité dans ses œuvres. Elle réussit à ancrer ces sujets dans un contexte africain, ce qui me permet de m’identifier facilement à ses propos. Paola Audrey, une féministe africaine, est également une source d’inspiration pour moi en raison de ses prises de position sur l’égalité des sexes. Je suis également impressionné par le travail réalisé par de nombreuses associations féministes ivoiriennes, en particulier la Ligue Ivoirienne des droits des femmes. Leur engagement est d’autant plus admirable étant donné la connotation négative associée au mot « féministe » dans le paysage ivoirien. Bravo les soeurcières !
Comment abordez-vous la diversité et l’inclusion dans le contexte des droits des femmes, en tenant compte des différentes expériences et réalités vécues par les femmes dans le monde?
Aborder la diversité et l’inclusion lorsqu’on parle des droits des femmes, c’est reconnaître que toutes les femmes, malgré leurs différences, ont chacune leur place dans la société au sein de laquelle elles évoluent. Cela implique la reconnaissance des diversités culturelles, l’inclusion intersectionnelle, l’écoute active des difficultés de chacune, l’éducation et la déconstruction des préjugés, l’autonomisation économique, etc. En adoptant cette approche, l’on vise à garantir l’égalité des droits pour toutes les femmes, en tenant compte de leurs différentes expériences et réalités.
Si vous deviez faire un plaidoyer en faveur de l’équité ? Que diriez-vous ?
Plaider en faveur de l’équité dans le contexte des droits des femmes revient à reconnaître que chaque femme, quelle que soit sa situation ou son origine, mérite un accès équitable aux opportunités, à l’éducation, à l’emploi et à la prise de décision. L’équité de genre ne consiste pas seulement à corriger les disparités, mais à créer un environnement où les femmes peuvent pleinement exercer leurs droits, contribuer à tous les aspects de la société et influencer les politiques qui les concernent. En investissant dans l’équité de genre, nous construisons une société plus juste, dynamique et résiliente, où toutes les femmes peuvent réaliser leur potentiel sans obstacles liés au genre. C’est un investissement dans un avenir plus solide, plus inclusif et plus équitable pour toutes et tous.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent s’engager activement dans la lutte pour les droits des femmes?
En général, je conseille à tout le monde d’identifier une cause qui leur tient à cœur et de s’engager pour la défendre. Pour les jeunes femmes qui veulent s’engager activement pour les droits des femmes, il est conseillé de trouver des associations féministes ou féminines qui correspondent à leurs intérêts, de les contacter et de demander comment s’impliquer. Sinon, elles peuvent commencer à sensibiliser, dénoncer ou interpeller à petite échelle en utilisant leurs propres moyens de communication. Il est important de comprendre que l’engagement pour les droits des femmes peut prendre différentes formes, que ce soit sur le terrain, en public, ou de manière plus modeste. Une action aussi minime, soit-elle a un impact.
Chaque jour, de nombreuses actions sont entreprises en faveur des personnes les plus démunies et vulnérables. Malgré cette solidarité globale, les initiatives menées restent souvent insuffisantes, notamment en ce qui concerne la lutte contre les violences basées sur le genre. Face à ce constat alarmant, de nombreux jeunes, tels qu’ Adama, prennent des mesures et méritent tout notre soutien.
Je suis profondément honorée d’avoir eu l’opportunité d’interviewer Adama Horoh BAH. Son engagement pour l’équité est tout simplement inspirant. Je tiens à exprimer toute ma gratitude à notre invitée pour avoir accepté de nous partager son expérience lors de cette interview. Son témoignage est une source d’inspiration pour nous tous et nous encourage à redoubler d’efforts dans notre combat contre les injustices basées sur le genre.
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InspireAndShine est un blog engagé crée en 2020 par Raissa KOUADIO, une jeune activiste ivoirienne. Son objectif : susciter le changement social à travers l’innovation digitale.