
En prélude au 2ᵉ Sommet africain sur le climat, organisé en septembre dernier, s’est tenu les 5 et 6 septembre à Addis-Abeba, le Sommet des Jeunes sur le climat de l’Union Africaine.
Une centaine de jeunes leaders africains se sont réunis au mémorial de la victoire d’Adwa pour discuter des enjeux climatiques majeurs. Ce sommet s’est voulu une véritable plateforme mettant en lumière le rôle central de la jeunesse dans la transition écologique, tout en renforçant l’idée d’une diplomatie climatique entre pairs d’un même continent.
Sur InspireAndShine, nous avons souhaité vous faire vivre cet événement marquant avec Dominique N’dri, notre invitée du jour, qui a bien voulu partager son expérience en tant que participante. À travers ce billet, nous plongerons avec elle, au cœur d’un sommet dont les enjeux nous concernent tous.

L’INTERVIEW
Chère Dominique Konan N’dri, bienvenue sur InspireAndShine ! Nous sommes honorés de vous recevoir. Avant tout propos, qui est Dominique Konan N’dri ?
Dominique N’Dri est une passionnée d’environnement depuis l’enfance qui a toujours voulu œuvrer pour sa protection. Après ses études de droit, elle a rejoint plusieurs organisations, notamment dans le cadre du tourisme solidaire et pris part aux activités de l’organisation internationale AIESEC. Elle est actuellement vice-présidente de l’ONG Blue, ainsi qu’alumni du programme YALI et de l’Université d’été sur la justice climatique de Nairobi.
Comment avez-vous vécu votre participation au Sommet des Jeunes de l’Union africaine sur le climat ? Quel moment vous a particulièrement marquée, et pourquoi ?
J’ai vécu cet événement comme quelque chose de spécial et d’important, d’autant plus qu’il était le prélude à l’Université d’été sur la justice climatique, à laquelle j’ai toujours rêvé de participer. C’était une expérience enrichissante, qui m’a permis d’en apprendre davantage sur la justice climatique, les différents accords internationaux, de partager mon expérience, de comprendre celle des autres et de faire du réseautage.
Il faut noter que le Sommet des Jeunes de l’Union africaine sur le climat est un événement d’envergure, qui rassemble experts, jeunes engagés, personnalités politiques et diplomates pour discuter des questions liées à l’environnement, et surtout au climat. Le climat étant une question transversale, l’événement a vu la participation de différents types de publics, qu’ils soient issus du secteur public ou privé.
Quelles réalités environnementales africaines ont été les plus présentes dans les échanges ?
Plusieurs mais les plus communes ont été celles liées au manque de financement, surtout lorsque nous savons que l’Afrique contribue le moins à la production de gaz à effet de serre, tout en étant malheureusement le continent le plus affecté. Il fait face à un important déficit de financement pour renforcer sa résilience et son adaptabilité. Nous avons également abordé d’autres enjeux majeures tels que la sécheresse, la déforestation, l’accès inégal à l’énergie, la problématique de l’eau et celle de la pollution plastique, de plus en plus présente. Auditrice à la Chaire UNESCO en Développement durable , je mène actuellement des recherches sur l’économie bleue (l’économie de la mer), notamment sur le partage de l’eau du Nil, devenu problématique, la sécheresse croissante, et la question des déchets plastiques, liée au manque de lois juridiquement contraignantes en Afrique. A ce titre, je me suis davantage consacrée à ma propre thématique : la mer, donc à l’eau en général.
En tant que jeune engagée, comment percevez-vous le rôle de la jeunesse africaine dans la lutte contre le changement climatique ?
Les jeunes Africains sont de plus en plus engagés. Même s’ils n’ont pas toujours accès aux meilleures conditions, ils osent, prennent la parole, s’engagent afin de créer une dynamique au niveau local.
J’ai rencontré des personnes qui, avec très peu de moyens, parvenaient à réaliser des projets, à mobiliser des organisations et à porter des plaidoyers. Je pense notamment à une jeune femme qui s’est rendue aux États-Unis pour porter la voix des filles de son village, privées d’accès à l’eau potable.
Même s’il faut reconnaître que les choses avancent un peu plus rapidement dans la partie anglophone de l’Afrique, il est important de souligner que nous faisons beaucoup d’efforts pour participer activement au changement dans nos communautés. Car la jeunesse n’est pas le futur : elle est le présent.
Quels sont, selon vous, les défis environnementaux les plus urgents auxquels l’Afrique doit faire face ?
Pour moi, le défi prioritaire est celui de l’eau, notamment l’avancée du désert dans le nord de l’Afrique, la pollution de certains espaces et la mauvaise gestion des ressources hydriques.
J’insiste sur le fait que l’eau est source de vie et une denrée précieuse, et que garantir un accès équitable à l’eau est une urgence.
J’appelle les gouvernements à se pencher sérieusement sur cette question, afin de garantir une eau propre, limpide et surtout accessible à toutes et à tous.
Je vais même jusqu’à plaider pour la gratuité de l’eau. Je souligne également le besoin d’un meilleur assainissement (des lacs, bords de mer, étendues d’eau), car une eau sans assainissement n’a pas de sens.
Mais il y a aussi le défi de la protection de la mer.
Comment les jeunes présents ont-ils articulé leurs propositions ?
Les propositions ont été articulées autour de thèmes locaux tels que la déforestation, la désertification, la perte de biodiversité, le manque d’accès à l’eau, et surtout le manque de financement.
Quels liens établissez-vous entre les discussions du sommet et les aspirations de l’Agenda 2063, notamment en matière de durabilité et de résilience ?
L’Agenda 2063 est un document stratégique fondamental pour l’Union africaine, qui vise à révolutionner le développement du continent.
Le sommet a permis de rappeler combien cette vision est partagée par les jeunes Africains.
Malgré les efforts croissants des gouvernements, de nombreux défis persistent, notamment l’accès à l’information dans les zones reculées.
Il est essentiel de renforcer la communication et la sensibilisation, surtout auprès de la jeunesse, afin de mieux comprendre les enjeux du changement climatique et de la protection de l’environnement.
Cela permettrait de créer une dynamique continentale forte.
Pensez-vous que les politiques africaines actuelles sont suffisamment alignées avec les urgences climatiques portées par la jeunesse?
Il faut reconnaître que de nombreux efforts sont faits. Cependant, il reste encore plusieurs défis à relever, tels que l’accès au financement, ainsi que l’accès équitable aux opportunités à l’échelle globale.
Quelles recommandations concrètes pourraient être formulées pour renforcer le rôle des jeunes dans les politiques climatiques continentales ?
Pour moi, deux recommandations principales pourraient être formulées :
- Associer davantage la jeunesse aux prises de décision, en assurant une meilleure représentativité dans les instances politiques;
- Former et financer les jeunes sur les questions climatiques, afin qu’ils puissent porter des projets et être présents là où les décisions se prennent, notamment au niveau global.
La question de la pollution plastique a-t-elle été abordée ? Si oui, quelles solutions ont été proposées ?
Oui, la pollution plastique a été largement évoquée. J’ai été agréablement surprise de constater l’absence de plastique sur le site : des poubelles de tri étaient disponibles, les bouteilles en plastique remplacées par des bonbonnes d’eau et des gourdes. Cela a permis de réduire considérablement l’usage du plastique à usage unique.
Une solution durable serait d’adopter une loi juridiquement contraignante, obligeant les États à agir et à financer la recherche sur des alternatives au plastique.
Comment les jeunes peuvent-ils agir concrètement pour réduire l’impact des déchets plastiques dans leurs communautés ?
La première étape est d’en parler davantage. Beaucoup de personnes ignorent les effets néfastes des déchets plastiques sur l’environnement et la santé. Il faut mobiliser tous les canaux de communication : réseaux sociaux, presse, médias traditionnels, pour sensibiliser et engager. Ensemble, nous pouvons trouver des solutions et encourager la recherche d’alternatives durables.
Quelles formes de leadership avez-vous observées parmi les jeunes participants?
J’ai observé une grande diversité de leaderships, mais j’ai été particulièrement marquée par le dynamisme des jeunes anglophones. Leur aisance linguistique leur permettait de participer activement. En tant que francophone, j’ai parfois eu besoin d’un traducteur pour suivre les échanges. Il est important que les événements internationaux prennent en compte cette diversité linguistique, afin de garantir une participation équitable.
Pensez-vous que ce sommet peut servir de tremplin pour une diplomatie climatique portée par la jeunesse africaine ?
Absolument. Ce sommet a été un véritable tremplin, grâce aux nombreuses interventions, aux ateliers et aux rapports partagés. Il a permis de créer une dynamique forte autour de la diplomatie climatique et de l’engagement de la jeunesse africaine.
Si vous deviez imaginer l’Afrique en 2063, à quoi ressemblerait un continent écologiquement résilient et débarrassé de la pollution plastique?
Je vois une Afrique verte et florissante, avec un fort taux de reboisement et des espèces rares qui s’épanouissent. Une Afrique sans plastique, où les déchets ont été nettoyés et valorisés. Une Afrique propre sur le plan énergétique, qui génère des emplois grâce à la protection de l’environnement.
Une Afrique qui inspire le monde par son modèle de développement durable.
Quelles actions concrètes envisagez-vous de mener à votre retour pour prolonger l’impact du sommet ?
À la suite du sommet, je compte rejoindre la Commission nationale de lutte contre le changement climatique, au sein du Département de prospective. Je souhaite m’engager davantage, participer à des événements, contribuer à l’élaboration de documents stratégiques et porter la voix de la jeunesse.
Une restitution du forum est également prévue très prochainement, notamment avec l’ONG BLUE.
Quel message fort adresseriez-vous aux institutions africaines pour qu’elles placent l’environnement et la jeunesse au cœur de leurs priorités ?
Si je devais passer un message, ce serait celui-ci : Impliquez la jeunesse africaine, car nous avons l’énergie et la créativité.

La question climatique demeure l’une des urgences majeures à adresser dans ce siècle. Les jeunes Africains, conscients de cet enjeu, se lèvent, s’unissent et prennent la parole.
Sur InspireAndShine, nous sommes honorés de donner la parole à des jeunes leaders comme Dominique N’dri, qui agissent et inspirent à l’action pour construire le continent auquel nous aspirons, et un monde meilleur.
Chère Dominique, InspireAndShine vous remercie d’avoir accepté de nous faire vivre, à travers cette interview, le Sommet des Jeunes de l’Union Africaine sur le Climat. Et surtout, merci d’inspirer.
Comme elle, vous êtes appelés à changer le monde. Il n’attend que vous !