
La politique sociale se définit comme l’ensemble des mesures mises en œuvre pour améliorer les conditions de vie des populations, en particulier les plus vulnérables. Véritable levier de changement, capable de transformer des vies et de faire évoluer durablement les sociétés africaines, elle ne peut se limiter à des dispositifs standardisés.
Pour être efficace, elle doit être adaptée aux réalités locales, co-construite avec les communautés, et soutenue par des services sociaux de proximité. C’est dans cette approche inclusive et participative que réside le véritable potentiel d’une politique sociale porteuse de transformation durable.
Dans sa rubrique analyse, InspireAndShine reçoit cette semaine une jeune ivoirienne passionnée de politique sociale. Avec elle, nous parlerons : « Politiques sociales et engagement pour le changement ».
Son nom : Safiatou Tanou
Analyse
Cher invitée, Bienvenue sur InspireAndShine ! En quelques mots qui est Safiatou TANOU ? Pouvez-vous nous partager un pan de votre parcours ?
Merci beaucoup ! Je suis Safiatou TANOU. J’ai une licence en Communication et je suis étudiante actuellement en Master 2 en Relations internationales et Diplomatie. Je suis également spécialiste de formation sur les questions de démocratie, d’État de droit et d’engagement citoyen dans l’espace francophone.
J’ai commencé mon parcours professionnel avec les Nations Unies. J’ai d’abord travaillé à l’UNICEF sur le programme Youth Agency MarketPlace, à ONU Femmes sur un projet d’accès des femmes à la commande publique, et à la Fondation Allemande sur le Dialogue politique en Afrique de l’Ouest. Aujourd’hui, je poursuis mon chemin à l’Organisation internationale du Travail, dans la programmation et la gestion stratégique.
Sur le volet de l’engagement communautaire, je suis bénéficiaire des programmes d’engagement de jeunes de l’UNICEF, notamment U-Report et Jeunes Blogueurs. J’ai également été membre du Sénat des Jeunes et participé à des programmes politiques avec des fondations allemandes. En parallèle, je crée et partage du contenu sur la protection sociale via mon compte LinkedIn. Je suis aussi Mondoblogueuse RFI depuis 2023.
A court, moyen ou long terme, je souhaiterais travailler dans la mise en œuvre des politiques publiques plus précisément des politiques de protection sociale ou dans la programmation et gestion stratégique. Je souhaiterais avoir un parcours académique, professionnel et communautaire qui temoigne de mon engagement citoyen et social.
Selon vous, comment les politiques sociales contribuent-elles au changement social en Afrique aujourd’hui ?
En Afrique, les politiques sociales sont importantes pour la transformation sociale. Elles facilitent l’accès des populations vulnérables aux services sociaux de base tels que la santé, l’éducation ou encore le soutien financier. Mais une politique sociale ne se résume pas à ce que l’on lit dans un rapport : elle se vit, elle se ressent dans le quotidien des citoyens.
Prenons l’exemple du programme d’Aide Alimentaire d’Urgence lancé au Sénégal pendant la pandémie de COVID-19 : cette initiative a permis à des milliers de familles de faire face à une crise sans précédent. De même, le Kenya Education Fund (KEF) offre des bourses à des élèves issus de milieux marginalisés, notamment ceux de familles monoparentales, leur permettant d’accéder à l’enseignement secondaire et de se préparer à un avenir professionnel.
Mais au-delà des réponses d’urgence, il est essentiel de penser durabilité et autonomisation. Le projet ASEFEJ au Niger, par exemple, accompagne les femmes et les jeunes ruraux dans le développement de projets économiques et l’accès à la finance inclusive, les rendant acteurs de leur propre développement. De son côté, le programme Innovation Africa, déployé en Afrique de l’Est et de l’Ouest, installe des systèmes solaires dans les écoles et centres de santé ruraux, tout en formant les populations locales à leur maintenance et à leur gestion. Ce modèle allie innovation, durabilité et autonomisation.
Ces initiatives montrent que les politiques sociales, lorsqu’elles sont bien pensées et inclusives, peuvent véritablement transformer les conditions de vie et renforcer la résilience des communautés africaines.
Quels dispositifs ou programmes sociaux vous paraissent les plus efficaces pour réduire les inégalités et améliorer la qualité de vie des populations vulnérables ?
Pour moi, les dispositifs les plus efficaces sont ceux qui combinent plusieurs dimensions : transferts financiers, formation professionnelle, accès à l’éducation et à la santé. Cette approche intégrée permet aux bénéficiaires de devenir autonomes et de transformer réellement leur vie.
Mon propre parcours en est une illustration : j’ai pu m’inscrire en licence grâce à un financement reçu par ma mère dans le cadre d’un programme d’autonomisation économique des femmes. Ce n’était pas seulement une aide financière : elle a aussi bénéficié d’une formation en gestion, ce qui lui a permis de bien utiliser l’argent et d’en tirer des bénéfices pour financer mes années de premier cycle. C’est ce type de dispositifs qui rendent les populations actrices de leur propre développement.
Bien sûr, il existe aussi des programmes de soutien rapide, comme le projet « La Popote Familiale » en Côte d’Ivoire, qui apportent un soulagement immédiat aux familles vulnérables. Mais ces initiatives, bien qu’utiles à court terme, ne favorisent pas l’autonomie. Pour un vrai changement social, l’autonomisation et la durabilité doivent être au cœur des politiques sociales
Pensez-vous que les politiques sociales actuelles tiennent suffisamment compte des réalités locales, culturelles et communautaires ?
Pas toujours. Souvent, les politiques sociales s’inspirent de modèles standardisés qui ne tiennent pas compte des spécificités locales, culturelles et économiques des communautés. Dans certains cas, leur efficacité est limitée par des problèmes comme le détournement ou la mauvaise gestion des fonds, le manque d’infrastructures adaptées, ou encore l’insuffisance de formation et de sensibilisation des populations locales. Pour être réellement efficaces, ces politiques doivent être adaptées aux contextes locaux, prendre en compte les besoins réels des populations et s’appuyer sur les dynamiques communautaires existantes. Sans ces ajustements, elles ne seront pas des politiques pour un changement durable.
Quel rôle jouent les services sociaux de proximité (santé, éducation, protection, emploi local) dans la transformation sociale ?
Ils sont primordiales. Ce sont les premiers points de contact entre l’État et les citoyens. Un centre de santé, une école ou une structure de protection locale peut transformer la vie d’une communauté. Plus ces services sont accessibles, plus les populations se sentent protégées et intégrées, et plus elles ont confiance dans les institutions. C’est ainsi que la transformation sociale devient concrète.
Comment les politiques sociales peuvent-elles mieux intégrer les populations rurales ou marginalisées dans les dynamiques de développement ?
Je pense que cela passe d’abord par l’adaptation des politiques aux réalités locales. Les populations rurales ou marginalisées n’ont pas toujours les mêmes besoins ni les mêmes contraintes que celles des grandes villes. Par exemple, dans un village éloigné, le défi premier peut être l’accès à un centre de santé de proximité ou à une école, alors qu’en ville, il peut s’agir plutôt d’emploi ou de logement. Ensuite, il faut assurer la participation des communautés elles-mêmes dans la conception et la mise en œuvre des programmes. Trop souvent, on décide à leur place, ce qui crée un décalage entre les politiques prévues et les besoins réels. Enfin, l’accessibilité des services doit être renforcée : routes praticables, écoles et centres de santé à distance raisonnable, programmes de protection sociale décentralisés. Des initiatives comme les initiatives d’alphabétisation fonctionnelle portées par le ministère de l’Éducation nationale, qui donnent une seconde chance à de nombreuses femmes et jeunes filles en milieu rural. La gratuité ciblée des soins de santé pour les femmes enceintes et les enfants de moins de 5 ans. Ces initiatives montrent qu’il est possible de rapprocher les services sociaux de base des populations qui en ont le plus besoin. Mieux intégrer les populations rurales et marginalisées, c’est faire en sorte que les politiques sociales soient pensées avec elles, pour elles, et non imposées d’en haut.
Quels liens voyez-vous entre accès à la santé, éducation et protection sociale et la promotion d’un véritable changement social ?
Ces trois domaines sont intimement liés. Une population en bonne santé peut mieux apprendre, et une meilleure éducation ouvre l’accès à l’emploi et réduit les inégalités. La protection sociale permet de sécuriser ces acquis et d’éviter les chocs de pauvreté. Ensemble, ils créent un cercle vertueux qui favorise un changement social durable et inclusif.
Comment renforcer la coordination entre l’État, le secteur privé et la société civile pour une politique sociale plus inclusive et durable?
Pour moi, la clé, c’est le partenariat. L’État fixe le cadre et les priorités, le secteur privé apporte des ressources et de l’innovation, et la société civile relaie les besoins des communautés et assure le suivi. Pour que cela fonctionne, il faut des mécanismes de concertation réguliers, de la transparence et une réelle volonté de travailler ensemble pour l’intérêt général.
Quels indicateurs d’impact devraient être privilégiés pour évaluer l’efficacité des politiques sociales dans la promotion du changement social?
Il faut aller au-delà des chiffres globaux. Les indicateurs doivent mesurer l’accès effectif aux services sociaux de base, la réduction des inégalités, l’amélioration du niveau de vie, l’autonomie économique des bénéficiaires et leur participation à la vie citoyenne. Ces éléments montrent si une politique sociale transforme réellement la société et crée un impact durable.
Pour conclure, quelle est votre vision personnelle d’une politique sociale qui pourrait transformer durablement les sociétés africaines ?
Je rêve d’une politique sociale inclusive, adaptée aux réalités locales et orientée vers l’autonomisation et non la dépendance aux aides ponctuelles de l’Etat. Une politique qui ne se limite pas à répondre aux urgences, mais qui prépare l’avenir en donnant aux populations, surtout aux jeunes et aux femmes, les moyens de se réaliser. Chaque citoyen doit être considéré comme un acteur majeur du changement social, et non pas seulement comme un bénéficiaire passif. Je rêve d’une politique sociale pour un réel changement social.

Les politiques sociales ne peuvent se réduire à des réponses techniques aux besoins des populations. Elles doivent être humaines, inclusives et profondément enracinées dans les réalités locales.
Le changement social en Afrique ne repose pas uniquement sur de grandes réformes, mais aussi sur des initiatives de proximité, des programmes intégrés, et un engagement citoyen fort. Pour transformer durablement nos sociétés, il faut des politiques sociales qui autonomisent, qui écoutent, et qui se construisent avec les communautés.
Chere Safiatou, InspireAndShine vous remercie d’avoir accepté d’analyser ce theme avec nous et surtout pour votre engagement pour le changement. Nous vous souhaitons de continuer à briller dans le domaine qui vous passionne, et surtout d’inspirer et d’impacter positivement les générations futures à travers vos actions.
Raissa Sawo Kouadio
À lire très bientôt dans la rubrique « Analyses » sur InspireAndShine.

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