
Société de plus en plus connectée, défis urgent et volonté de parvenir à un développement économique rapide, quoi de meilleure alternative que d’inventer une machine aussi intelligente qu’un humain : l’Intelligence Artificielle (IA).
Pensée, puis formalisée en 1965 lors d’une conférence à Dartmouth Collège aux États-Unis, l’IA est aujourd’hui générative et est capable de produire du texte, du code et des images. Ses mérites sont vantés lors de conférences, d’exposés et d’ateliers. Elle est présentée comme une solution facilitant l’avancée du monde. Cependant, certains chercheurs[1] dénoncent ses risques. L’innovation digitale semble n’avoir pas intégré les questions d’égalités de genres au moment de sa conception. Les recherches initiales visant la création d’une IA n’intègrent pas l’égalité de genre dès la conception de l’algorithme. Une telle omission, non prise en charge, l’instrumentiste en vecteur renforçant le fossé déjà existant en matière de droits des populations vulnérables et des femmes.
Cette étude utilise une approche mixte combinant des méthodes qualitatives et quantitatives pour examiner l’impact de l’intelligence artificielle sur les droits des femmes en Afrique. Les sources incluent des articles académiques, des rapports et des publications médiatiques. Une analyse approfondie de quelques travaux existants sur l’IA et les droits des femmes a été réalisée afin d’identifier les opportunités de recherche.
Des profondeurs de l’innovation digitale
Enracinée dans des données historiques, la majorité des solutions générées par l’IA proviennent d’informations accumulées sur plusieurs années. L’IA ne crée pas de nouvelles données, mais trie celles existantes et présente à l’utilisateur la réponse majoritairement enregistrée. Des données sexistes reprises par l’outil pourraient renforcer les inégalités existantes en propageant certaines idéologies tendant à présenter la femme dans un rôle mineur, renforçant ainsi les préjugés sexistes[2]. Ainsi, l’accès aux informations se trouvant biaisés, les narratifs des médias calqués sur les données générées par l’IA tendent à renforcer ces fossés. La nécessité de reformer l’Intelligence Artificielle est donc posée, influencer l’algorithme s’impose comme un remède solide.
Influencer l’algorithme à travers le changement de narratif
Changer le narratif implique de passer d’une vision fataliste présentant l’IA comme écrasant les femmes à une vision stratégique où l’IA devient une arme pouvant transformer les conditions féminines. Pour y parvenir, il est important de changer l’algorithme en l’influençant. Les médias se présentent alors comme une arme puissante de changement. Les nouveaux médias tournés vers le digital, tels que le blogging, les médias d’informations 100% en ligne, les podcasts et les productions visuelles, contribuent à changer l’algorithme. Cela passe par la mise en lumière des biais présents dans les systèmes algorithmiques en partageant des recherches, des analyses et en organisant des campagnes de sensibilisation. Et, leur suppression en la production de contenus avec un narratif diffèrent quant à la place des femmes dans la société.
Les journalistes et créateurs de contenu apparaissent donc comme des acteurs décisifs de ce changement. Les nouveaux médias, eux, à travers leur noyau digital, se veulent une arme modifiant les logiques des algorithmes qui favorisent les récits dominants.
En Afrique, certains blogs engagés comme « InspireAndShine« , un blog ivoirien, mettent en valeur des profils de jeunes, dont 80% de femmes porteuses d’initiatives visant à influencer positivement la société. Des podcasts comme « conversations féminines [3] » ou « Woyoo[4] » au Sénégal donnent de la visibilité aux voix des femmes. En Guinée Conakry, des initiatives comme « Filme la guinéenne qui t’inspire« [5] changent la donne dans une société encore traditionnaliste, envisageant difficilement le rôle de la femme en avant-plan.
Médias dirigés par les jeunes et activisme digital
En Afrique, l’expansion des médias sociaux chez les jeunes se veut être une force à travers l’activisme digital de plus en plus pensé. En 2017, des mouvements comme ‘’ Me too’’[6]ont présenté la force de l’activisme digital comme moyen de changement des narratifs et de documentation en faveur du renforcement des droits des femmes.
Des médias comme ‘’InspireAndShine’’, solution mise en œuvre par votre auteure, visent à travers le blogging, l’innovation et l’art digital au soutien du plaidoyer en faveur de la justice sociale et la construction d’un avenir plus égalitaire. Ce blog, est un exemple de media dirigée par des jeunes. En matière d’art digital, les visuels et montages vidéo servent de documentation et enrichissent celle existante.Toutefois, il faut noter que le droit ne peut et doit rester en marge des actions portant changement.
Une réglementation des droits des femmes face au numérique
En Afrique, le protocole de Maputo se veut un texte précurseur en matière de droits des femmes, en adressant pour la première fois de façon spécifique les inégalités que vivent les femmes. Il reconnaît que les femmes subissent des discriminations particulières et impose aux États africains des obligations précises pour y mettre fin. Bien qu’il n’évoque pas spécifiquement les droits des femmes face au digital, ses articles 2 portant sur l’élimination de la discrimination, 4 sur le droit à la dignité et 12 sur le droit à l’éducation et à la formation posent les jalons de l’adoption d’une réglementation plus précise.
En 2025, La Convention de l’Union Africaine visant à mettre fin à la Violence à l’égard des Femmes et des Filles (AUCEVAWG) est adoptée. L’AUCEVAWG est un instrument juridique complet visant établir un cadre complet et juridiquement contraignant pour la prévention et l’élimination de toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles, en Afrique, en s’attaquant aux causes profondes et aux facteurs de cette violence, en renforçant les mécanismes juridiques et institutionnels, et en promouvant une culture de respect des droits humains, de l’égalité des sexes et de la dignité des femmes et des filles.[7]Ce texte, quoi qu’il n’évoque pas explicitement la protection des droits de femmes face à l’innovation digitale est un model d’encadrement juridique africains favorisant des reformes visant à encadrer l’ incidence sur les droits des femmes à l’ère de l’innovation digitale.
À la fin de cette étude, plusieurs solutions sont envisageables :
- Réformer l’IA en influençant les algorithmes afin d’éliminer les biais sexistes et promouvoir l’égalité de genre.
- Changer le narratif en utilisant les nouveaux médias pour mettre en lumière les biais existants et produire des contenus valorisant les femmes.
- Encourager l’activisme digital en incitant les jeunes à exploiter les médias sociaux pour promouvoir les droits des femmes.
- Adopter des réglementations spécifiques pour protéger les droits des femmes face à l’innovation digitale, telles que le protocole de Maputo et la Convention de l’Union Africaine.
Ces solutions combinées ont le potentiel de transformer l’IA en un outil puissant pour l’égalité des genres et le développement économique rapide.
Raissa Sawo KOUADIO
Cette recherche est de la propriété intellectuelle de KOUADIO Nanan-Boua Raissa A.S. Toute copie ou reproduction de celui-ci sera passible de poursuites judiciaires.
[1] Professeure Kate Crawford, spécialiste de l’IA et de ses impacts sociaux
[2] Les assistants vocaux (comme Siri, Alexa) sont souvent féminins et programmes pour être dociles, ce qui renforce les stéréotypes de genre.
[3] Animé par Zoubida Fall, ce podcast est une série captivante qui met en lumière les parcours et les expériences de femmes africaines de divers horizons.
[4] Podcast engagé, produit par le studio Génération Afrotopia à Dakar
[5] Film la guinéenne qui t’inspire est un concours vidéo lance par l’Association des blogueurs de guinée (ABLOGUI) visant à valoriser la créativité des jeunes guinéens en mettant en lumière les parcours inspirants des femmes guinéennes, qu’elles soient célèbres ou anonymes.
[6] Le mouvement #MeToo est une campagne sociale et de sensibilisation contre les abus sexuels, le harcèlement sexuel et la culture du viol. Il vise à donner une voix aux victimes de violences sexuelles et à mettre en lumière l’ampleur de ces problèmes, notamment dans le milieu professionnel
[7] La Convention de l’Union Africaine visant à mettre fin à la Violence à l’égard des Femmes et des Filles | Union africaine