Malgré les progrès significatifs réalisés au fil des décennies, les filles et les femmes continuent de faire face à des obstacles dans leur accès à l’éducation dans de nombreuses régions du monde. En 2021, par exemple, 132 millions de filles étaient toujours privées d’éducation, un chiffre préoccupant qui témoigne de la persistance des inégalités. De même, les femmes rencontrent les mêmes inégalités sur le marché du travail, telles que des écarts de salaire entre les sexes, un accès limité aux postes de direction et de prise de décision, ainsi qu’une surreprésentation dans les emplois précaires et informels. En ce qui concerne la santé, les femmes continuent de relever des défis, notamment en termes d’accès restreint aux soins de santé sexuelle et reproductive, à l’information sur la santé, ainsi qu’aux ressources nécessaires pour prendre soin d’elles-mêmes. Sur le plan politique, bien que des progrès aient été accomplis, la sous-représentation des femmes dans les instances de décision à travers le monde demeure un problème persistant.
Chers lecteurs, c’est avec un immense honneur qu’InspireAndShine, votre blog, vous présente l’initiative »Elles s’expriment ». Son objectif : donner la parole à des jeunes femmes engagées ou fortement intéressées par les questions et les causes féminines. »Elles s’expriment » se compose d’une série d’interviews portant sur des sujets d’actualité, visant à influencer les politiques publiques et à susciter le changement.
Pour inaugurer cette série, InspireAndShine reçoit Ella TANOH, juriste spécialisée en droits des femmes et en droits de l’homme qui a a eu l’opportunité d’étudier et de travailler dans deux contextes culturels et juridiques distincts : la Côte d’Ivoire et la France. Cette expérience transcontinentale lui a permis d’observer et d’analyser les divers facteurs socio-économiques qui influent sur la situation des femmes dans différents environnements, enrichissant ainsi sa compréhension et sa perspective sur les enjeux de genre. Elle est aussi la fondatrice de l’ONG Graine d’Espoir. Avec elle, nous analyserons les determinants sociaux et economiques de la precarite des femmes : perspectives pour renforcer l’egalité des genres.
Bonsoir Ella, bienvenue sur InspireAndShine. Nous sommes honorés de vous recevoir. Alors dites-nous tout! Quels sont, selon vous, les principaux facteurs socio-économiques qui contribuent à la précarité des femmes dans notre société actuelle ?
Les facteurs socio-économiques contribuant à la précarité des femmes varient selon les régions mais partagent certaines similitudes globales. En Europe, la segmentation du marché du travail et la prévalence des emplois à temps partiel ou précaires, souvent occupés par des femmes, exacerbent leur vulnérabilité économique. En Afrique, les facteurs incluent l’accès limité à l’éducation et aux ressources financières, renforçant les barrières économiques et la dépendance financière des femmes. Ces dynamiques sont renforcées par des structures sociales et des normes de genre qui limitent les opportunités économiques des femmes dans les deux contextes.
Comment les inégalités salariales et les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes affectent-ils la précarité économique des femmes, et quelles mesures peuvent être prises pour les atténuer ?
Les écarts de rémunération entre hommes et femmes restent un problème majeur, affectant particulièrement la précarité économique des femmes. En Europe, les femmes gagnent en moyenne 14% de moins que les hommes, un écart qui s’élargit dans certains secteurs. En Afrique, bien que les données soient moins systématiques, les écarts tendent à être plus importants, exacerbés par un accès inégal à des emplois formels et bien rémunérés. Des mesures telles que l’audit salarial obligatoire, la transparence salariale, et des politiques de rémunération équitable pourraient aider à réduire ces écarts.
En quoi les rôles traditionnels de genre et les attentes sociales influencent-ils la précarité des femmes, en particulier en ce qui concerne leur participation au marché du travail et leurs opportunités économiques ?
Les rôles traditionnels de genre assignent souvent aux femmes la responsabilité du soin aux autres, limitant leur participation au marché du travail et réduisant leurs opportunités économiques. En Europe, bien que des progrès aient été réalisés vers plus d’égalité, les attentes persistent subtilement. En Afrique, ces rôles sont souvent plus explicitement définis, avec des conséquences directes sur l’accès des femmes à l’éducation et à l’emploi. Des initiatives visant à redéfinir ces rôles à travers l’éducation et des campagnes de sensibilisation pourraient être bénéfiques.
Quels sont les défis spécifiques auxquels sont confrontées les femmes issues de communautés marginalisées ou discriminées en termes de précarité sociale, et comment pouvons-nous mieux répondre à leurs besoins ?
Les femmes issues de communautés marginalisées, que ce soit en Europe ou en Afrique, font face à des défis multiplicateurs tels que le racisme, l’ethnocentrisme, et la discrimination religieuse. Ces défis sont exacerbés par des barrières institutionnelles et sociales qui limitent leur accès à des ressources essentielles. Une approche plus ciblée est nécessaire pour adresser ces inégalités, incluant des politiques de discrimination positive et un soutien accru aux organisations défendant les droits de ces femmes.
Comment la charge de travail non rémunérée, y compris les responsabilités familiales et domestiques, contribue-t-elle à la précarité économique des femmes, et quelles politiques ou initiatives peuvent aider à réduire ce fardeau ?
La charge disproportionnée de travail non rémunéré que portent les femmes, incluant soins aux enfants et tâches domestiques, contribue significativement à leur précarité économique. En Europe, des politiques telles que les congés parentaux rémunérés et les services de garde subventionnés ont commencé à alléger ce fardeau. En Afrique, où de telles politiques sont moins répandues, l’investissement dans les infrastructures de soins et la promotion de la corresponsabilité dans les tâches domestiques sont cruciaux.
Pouvez-vous partager des exemples de bonnes pratiques ou d’initiatives réussies visant à renforcer l’autonomisation économique des femmes et à réduire leur précarité sociale ?
Des initiatives telles que les microcrédits et les formations professionnelles ont montré des résultats positifs dans l’amélioration de l’autonomie économique des femmes tant en Europe qu’en Afrique. Des programmes spécifiques, comme ceux développés par des ONG internationales, qui combinent soutien financier et formations en compétences entrepreneuriales, ont aidé de nombreuses femmes à s’établir professionnellement et à réduire leur précarité.
En quoi les politiques de conciliation travail-vie personnelle, telles que les congés parentaux rémunérés et les services de garde abordables, peuvent-elles contribuer à réduire la précarité des femmes et à promouvoir l’égalité des genres?
Les politiques favorisant un meilleur équilibre travail-vie personnelle, telles que les congés parentaux équitables et l’accès à des services de garde abordables, peuvent réduire la précarité des femmes en leur permettant de rester actives sur le marché du travail tout en gérant leurs responsabilités familiales. Ces mesures sont bénéfiques tant en Europe, où elles sont plus établies, qu’en Afrique, où elles sont encore en développement.
Comment l’accès limité des femmes à l’éducation et à la formation professionnelle influence-t-il leur précarité économique, et quelles stratégies peuvent être mises en œuvre pour améliorer cet accès ?
Le manque d’accès à l’éducation et à la formation professionnelle est un facteur clé de la précarité économique des femmes. Des stratégies pour améliorer cet accès incluent des bourses ciblées, des programmes de mentorat, et des initiatives pour combattre les stéréotypes de genre dans les choix éducatifs et professionnels.
Quel rôle les entreprises et les employeurs peuvent-ils jouer dans la promotion de l’égalité des genres sur le lieu de travail et dans la réduction de la précarité des femmes, notamment en termes de politiques de recrutement, de promotion et de rémunération équitable ?
Les entreprises ont un rôle crucial à jouer en promouvant l’égalité des genres à travers des politiques de recrutement équitables, des opportunités de promotion, et une rémunération juste. Elles peuvent également offrir des programmes de formation et de mentorat spécifiques pour les femmes, afin de les préparer à des rôles de leadership.
Comment les recherches et les politiques axées sur l’analyse des déterminants socio-économiques de la précarité des femmes peuvent-elles contribuer à renforcer l’égalité des genres et à créer des sociétés plus inclusives et équitables pour toutes et tous ?
Les recherches sur les déterminants socio-économiques de la précarité des femmes sont essentielles pour élaborer des politiques efficaces. Ces recherches doivent être transnationales et multidisciplinaires pour comprendre les nuances régionales et proposer des solutions adaptées. Elles peuvent guider les décisions politiques et assurer une approche plus holistique et inclusive pour combattre la précarité des femmes et promouvoir l’égalité des genres.
Au-delà de ses études, Ella TANOH est une jeune femme engagée aux côtés d’autres activistes. Ayant eu le privilège de la côtoyer et admirative de son parcours et de son leadership, je suis convaincue qu’elle représente un atout inestimable pour le monde et la lutte pour l’égalité. Le 18 mai 2024 marquera une étape cruciale de son engagement avec le lancement de « Les Graines de l’Espoir », une ONG dédiée à la lutte contre les violences faites aux femmes et à la promotion des droits humains. Ce projet est le fruit de nombreuses années d’engagement dans le domaine des droits humains.
Nous vous remercions, chère Ella, pour l’interview accordée.