Séquestrée, violée, battue, tel est le sort de nombreuses jeunes femmes dans le monde en situation de mariages forcés.
Née en Afrique de l’Ouest, j’ai entendu plus d’une histoire de jeunes femmes ayant subi ce fléau tel un mauvais sort jeté sur elles.Au départ, cela ne constituait qu’un fait lointain, un phénomène n’étant plus d’actualité. Après tout, en ce siècle nouveau, qui penserait donc à donner sa fille de force en mariage?Puis, j’ai grandi! Le temps s’est écoulé! Les histoires s’amplifiaient. Ce n’était pas des cas isolés, si lointains que ça.
En écoutant les témoignages de celles qui avaient survécu à cette souffrance, je me suis mise à réfléchir sur ma situation personnelle. Je me suis vue « privilégiée ». Comment appeler « privilège » ce qui est censé être une réalité vécue par tous? Comment comprendre qu’en dépit de tout, malgré toutes les avancées, de nombreuses femmes qui naissent de sexe féminin, dans certaines contrées, sont destinées à mourir? Comment comprendre que des petites filles aussi innocentes soient les sujets de discussions de personnes adultes les préparant à mourir à elles-mêmes, à leurs rêves, et à perdre leur vie tout en ayant le cœur qui bat?
En écrivant ce texte, je me suis posé la question de savoir si cet homme âgé d’une soixantaine d’années, complice honteux, vivant dans un petit village y aura accès. Après tout, il n’a peut-être même pas accès à une connexion internet, ni eu accès à l’école. Puis, je me suis rappelée que le monde, les structures sociales ne changeront que par une somme d’actions.
Alors, j’écris non pas seulement pour lui, mais aussi pour toi qui as eu accès à l’éducation, qui lis ce plaidoyer. J’écris pour toi qui as accès au digital, qui as cliqué sur ce lien pour diverses raisons. J’écris pour te convaincre d’être toi aussi un canal de changement.
J’écris pour toi qui parles de culture à tort et à travers, pour justifier même l’injustifiable. Réponds-moi donc: une enfant mariée, battue et violée, est-ce justifiable?
J’écris pour toi qui, sur les bancs, bien que n’ayant pas de grands moyens, qui peut avec ses amis organiser un plaidoyer dans son école afin de mettre en lumière la question des mariages forcés.
J’écris pour toi qui es femme au foyer par choix et non par dépit, pour qu’avec tes proches vous soyez les voix de ces femmes et petites filles enfermées dans la prison d’une tradition meurtrière.
J’écris pour toi qui as un média, une influence ou du pouvoir afin que tu puisses susciter un réveil.
J’écris pour toi qui as un poids politique ou judiciaire afin que tu fasses de la lutte contre le mariage forcé ton combat.
J’écris pour toi, le député, toi qui as choisi à travers cette noble fonction de voir au-delà de ta propre personne, le bien du peuple, pour que tu prennes action.
J’écris pour toi, le retraité, la personne âgée dont l’âge est un poids d’honneur dans une société où les gens allient sagesse et âge, une société où, dans certaines communautés, une jeune femme de 24 ans comme moi ne sera pas écoutée, afin que tu prennes toi aussi tes responsabilités.
J’écris pour toi, l’intellectuel, qui n’ose pas s’exprimer par peur, car briguant un rôle honorifique dans ta communauté, ou parce que complice pervers des mariages forcés, veux-tu toi aussi agir en meurtrier?
J’écris pour toi que je n’ai pas cité, mais qui me lis et qui te dis impuissant, te sens-tu confortable avec le mariage forcé?
Une tradition meurtrière n’est pas pour moi un trait culturel, mais un crime longtemps resté impuni ayant perduré dans le temps tout en portant avec lui le poids de la honte. La honte d’une société n’y ayant pas mis fin. J’aimerais, à travers cet article, plaider contre les mariages forcés et soutenir tous ceux qui se battent continuellement pour un changement véritable. Ce plaidoyer n’aura pas de force parce que vu par des millions de personnes, aujourd’hui, demain ou dans 10 ans, mais parce qu’il a été vu par toi et que tu auras décidé d’agir !
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